La majorité silencieuse

Ne boudons pas notre plaisir, champion du monde, c’est plutôt sympathique, mais je ne peux m’empêcher de faire entendre la voix des silencieux, d’une majorité qui a pour arène sportive la nature et qui trouve son bonheur dans la pratique.

Si on se contente d’écouter les médias, on parle du foot comme du sport roi alors que les chiffres donnent une toute autre réalité. Oui, c’est un sport très suivi, mais dans les sports appelés outdoor, on ne suit pas, on fait, et ces pratiquants, qui sont très majoritairement en dehors de toute structure fédérale, surclassent largement les quelques 2 millions de licenciés en foot ( selon une étude BVA, 10,2 millions de français pratiquent en moyenne 4,5 activités outdoor à raison de 135 séances annuelles )

Swap and surf et ses prochains développements se dédie à cette majorité silencieuse avec des solutions qui doivent coller à une manière de penser, à des valeurs partagées.

Cachez ce drapeau que je ne saurais voir

Je n’ai pas le souvenir, un mois d’août 1997, d’avoir enfilé une perruque tricolore au retour de l’ascension du Huyana Potosi, un sommet bolivien gravi avec mon ami Jean Michel. Si Maurice Herzog est allé planter un drapeau sur l’Annapurna, ces démonstrations teintées de patriotisme n’ont rien à faire en ces lieux. 50 ans plus tard, Lachenal donnera dans les  » carnets du vertige «  une version moins glorieuse de ce premier 8000. Si la cordée est allée en haut, les motivations n’étaient pas les mêmes. En 1950, Herzog avait l’honneur d’un pays à venger, le guide Lachenal avait un homme à sauver à l’autre bout de la corde.

Après avoir escaladé les Mallos de Riglos le klaxon de mon van est resté muet. Idem après chaque canyon descendu en Sierra de Guara. Avec mon cousin Philippe et partenaire pour Swap and surf, sur nos itinéraires hivernaux dans les encantats, nous n’avons jamais entamé une vibrante marseillaise à l’entrée de chaque refuge que nous rallions, telemark aux pieds. Je doute que les gardiens de refuge catalans auraient apprécié le tableau !

2004, en surf trip à Hawaii, sur l’ile d’Oahu, une houle de 21 pieds est venue frapper le North Shore. Nous avons assisté à un spectacle rare : une compétition à Pipeline. On prend alors conscience de la puissance d’une vague qu’on ne voit habituellement qu’en vidéo. On réalise aussi l’expérience et le timing qu’il faut pour la surfer. Nous avons eu le sentiment d’être privilégiés. Peut être qu’un français était en lice ? On ne s’est même pas posé la question. Et de toute façon, il aurait été déplacé de se procurer un drapeau à agiter en ces lieux.

Un autre rapport au  » sport « 

Est il légitime de parler de sport au sujet des activités de pleine nature ? Quand on envisage de gravir un sommet ou de surfer une nouvelle vague, on ne se bat contre personne, il n’y a pas d’affrontement, on n’a pas besoin de porter un maillot pour savoir contre qui il faut se liguer. Ce qui compte, c’est l’instant, la beauté du cadre et du geste, la connexion avec un terrain. C’est une expérience qui relève de l’intime, qui perd tout son intérêt si la foule s’en mêle. D’où l’importance de l’image qu’on ramène de ces moments, celle qui permet de se rappeler, de rêver, ou de vendre.

Champion du monde et pratiquant des sports de nature, Bixente Lizarazu fait un pont entre ces deux univers. Je reste persuadé qu’il a pris autant de plaisir à descendre la face nord du pic du midi qu’un certain soir de juillet 1998. Un plaisir très différent, mais d’une intensité toute aussi forte. Si la vidéo de la descente a été très vue, elle a fait beaucoup moins de bruit que la victoire de 1998. Cette vidéo serait restée confidentielle sans ce statut de champion du monde. Ce sportif de haut niveau qui a grandi dans une terre bénie pour l’outdoor sait profiter d’un statut pour vivre pleinement une autre passion, plus intime, moins démonstrative. Qu’il en profite.

Des solutions pensées pour une communauté

Dans les sports de nature, on ne suit pas, on fait. Il s’agit d’une communauté qui partage des valeurs. Le sport que l’on va appeler classique et qui a récemment montré une belle réussite fonctionne différemment, de façon plus pyramidale. De gros investisseurs font les meilleurs clubs avec les meilleurs joueurs qui seront ensuite les plus suivis donc les plus rentables. Cette structuration du sport professionnelle est d’origine anglaise. Le premier réseau ferré a permis qu’un monde sportif s’organise en offrant à des clubs la possibilité de s’affronter. La première ligne Liverpool Manchester a joué un grand rôle, rien d’étonnant à ce que ces clubs aient aujourd’hui le statut de club mythique, ils sont le ferment du sport moderne. Au même titre, Oxford et Cambridge rivalisent sur des courses d’aviron depuis que les déplacements sont plus simples. Il s’agit dans ce contexte d’afficher sa couleur, de suivre un affrontement, d’être pour ou contre. On n’est jamais pour ou contre une montagne verticale ou un océan agité, cela n’a pas de sens. L’arène est par nature différente, les pratiquants et l’esprit tout autant, même si ces deux univers ne sont fort heureusement, pas cloisonnés.

Les  » sports  » de nature appellent des solutions qui lui parlent, elles doivent venir de l’intérieur, c’est ce que nous faisons avec Swap and surf avec l’objectif d’étendre nos solutions à d’autre univers. Les meilleures solutions pour cette majorité silencieuses resteront celles qui gardent en tête cette dimension horizontale dans leurs structurations. Parler de valeurs n’est pas qu’un positionnement moral, c’est un gage de réussite.

Ainsi, à ce jour, nous développons des solutions qui permettent aux surfeurs de réaliser tous les projets de surf trip par la communauté avec l’idée qu’un pratiquant local sera le meilleur des guides. Parce que nous l’incarnons, nous savons que cette logique peut s’étendre à toutes les pratiques de l’outdoor, because …