Gilet jaune et slip vert

Les mamelles de la croissance sont sèches. L’insatiable voracité d’un modèle de croissance a laissé notre monde exsangue. La crise environnementale est là, indéniable. Un modèle globalisé a creusé les écarts de richesse, ajoutant ainsi une tension social au niveau national, et une crise migratoire de nature économique, et de plus en plus climatique.

La menace du déclassement plane sur la plupart d’entre nous. Face aux peurs diffuses engendrées par un modèle qui a atteint ses limites, certains enfilent un gilet jaune. En France, vieux pays jacobin, les reproches se portent essentiellement sur la classe politique, une colère monte, elle est compréhensible autant qu’elle est vaine. Les réponses des plus modérés se cantonnent à poser des perfusions sur un mourant, histoire de prolonger l’agonie. Le temps court d’un mandat s’accommode mal de la taille des enjeux.

Si nos institutions offrent encore un cadre apaisé, je doute de leurs capacités à impulser un changement de paradigme que la plupart des gilets jaunes rejetterait. Globalement, les gilets jaunes s’accrochent à un modèle dont la disparition est souhaitable.

Quand j’enfile un gilet jaune, c’est pour faire du vélo, et pour le changement, je préfère l’approche plus intime et pourtant d’envergure des « slips verts », persuadé que la solution est économique avant d’être politique.

Le doute pour moteur, les valeurs pour cadre

Pas simple d’avancer ses arguments dans un contexte où nous sommes formatés pour n’envisager que deux options, s’affronter ou se conformer. Quand on défend l’idée qu’il existe une voie entre le chaos et la résignation, on sous-tend que le changement passera par chacun d’entre nous et que cette voie impose donc une remise en question de nos modes de vie.

Cette approche, c’est celle des slips verts, une approche intime, un changement qui passera par les initiatives individuelles, par des formes d’organisation collective innovantes. Le numérique, en même temps qu’il permet d’accélérer la croissance aveugle, donne les outils d’une mise en réseau souhaitable des bonnes énergies. Ces slips verts sont innombrables, plus ou moins engagés, ils ne revendiquent rien, ils font, ils vivent, ils sont.

Ces consciences qui s’éveillent ne peuvent pas à elles seules changer la donne, bien entendu. Notre cadre institutionnel doit tenir, continuer à nous protéger, à défendre un état de droit dont on oublie trop la valeur et l’importance. Par contre, la multiplication des ces initiatives privées peut modifier les rapports de force, permettre de remodeler des mécanismes économiques qui ont montré leurs limites. Les cadres politiques n’auront plus qu’à suivre le mouvement, moins contraints sur la court terme par l’impérieuse nécessité de répondre à la crise du travail.

Ces slips verts sont légions. Plus ou moins engagés, ils sont invisibles, peu entendus car par nature non représentés. Mais comment ne pas douter quand on sait ?